A l'eau, non mais à l'eau quoi !

Le vol plané d’une mouette criarde coupe le bleu du ciel. Je cligne avec précaution des paupières, par habitude de leurs méfaits, moins dangereux mais plus fréquents que la chute des noix de coco.

Je me redresse doucement, les muscles encore assoupis par une sieste bien méritée, au regard de deux heures de session dans l’Océan encore endolori par mon passage.

L’horizon et la mer sont toujours là. Je pousse mon regard derrière les rangées de vagues bien alignées, dont les plus rebelles cherchent à recouvrir mes pieds et me faire signe qu’il est temps de repartir à l’eau.

J’ai une soudaine pensée, toute chargée d’émotion et d’un peu de honte, bien vite réprimée. Une vision fugace où défilent des gens assis derrière leur bureau, d’autres se tortillant sur leur siège de voiture entre 2 feux rouges, ou encore d’autres qui regardent par delà leur fenêtre et tentent d’humer le parfum iodé du bord de mer, par delà les récifs des immeubles et les courants ondulants des véhicules qui s’éloignent au ralenti vers une improbable marée basse.

Je chasse bien vite ces images difficilement supportables pour un réveil et me redresse pour m’étirer avec fainéantise. Un baillement et une gorgée de thé à la menthe plus tard, j’estime que je suis prêt pour une seconde session de surf. Mais la vilaine pensée apparaît à nouveau.

Agacé, je m’élance dans le shorebreak, sûr qu’une bonne série sur la tête chassera définitivement tout cela de mon esprit. Je suis à mi parcours du large et je me retourne. Sur le bord, j’aperçois des pêcheurs campés sur leurs jambes, leur belle gaule dressée en signe d’attente d’une nouvelle prise, un chien fou qui s’ébroue, court en zig zag, et dont les aboiements lointains sont portés par le vent de terre. Je m’assois enfin, stationné au pic de la vague, après avoir salué les 3 surfers qui constituent la seule foule sur le spot.

Et toujours ces images qui s’affichent dans mon esprit, comme un signal radar circulant d’un hémisphère à l’autre.

La série se lève, je me place bien à l’intérieur, les autres surfers sont trop proches de la baïne, c’est le moment. Un drop rapide, le vent est léger, quelques virages bien envoyés, une longue section de glisse en pleine accélération et hop, décollage vers la lèvre de la vague, au delà dans le ciel.

Je suis une feuille morte qui apprécie le temps de sa chute, puis le contact de l’eau fraîche dans laquelle je m’enfonce d’un plongeon calculé. 4 secondes sous l’eau, je remonte à la surface, expire l’air de mes poumons et je comprends alors à cet instant pourquoi ces pensées occupent mon esprit depuis mon réveil sur le sable, et ce qu’elles cherchent à me signifier : Je dois partager, tu dois partager, nous devons partager, vous devez partager ces instants de bonheur.

Je suis un coureur d’écume de mer et je sais que d’autres surfers, partagent au même moment ces instants précieux dans un autre hémisphère, au petit matin ou lors du coucher du soleil. Le cycle perpétuel de l’océan et des vagues qui déferlent de l’Australie à la Californie, de Jeffrey’s Bay à Hossegor, de Bali à la Mer du Japon symbolise la famille des coureurs d’écume dont chacun partage un plaisir unique : surfer.

Décrire ces sensations étranges, dans son décor de tout les jours ou loin de chez soi contribue à l’ouverture et au partage et ne nous enferme pas dans une tribu.

Racontez nous vos sessions, les plus surprenantes, les plus simples, les plus attachantes. Vos trips les plus improbables, vos vacances surf quoi...
Ces images qui sont dans votre esprit, vos tiroirs ou disques durs et ne doivent pas rester enfouies ou préservées tels des reliques. Partageons les.

Et la lecture de ces récits éveilleront le talent d’autres coureurs d’écume comme ils séduiront les débutants au voyage surf.